La vérité
Notions également traitées dans ce chapitre : Le bonheur - La liberté - Le devoir - Le langage - La raison - La science
Une image, un texte
The Matrix (1999)
Problèmes essentiels
- Comment définir la vérité ? A quoi la reconnaît-on ? N'y a-t-il pas différents types de vérités ?
- Peut-on l'atteindre ? Et si oui, comment ?
- La vérité comme valeur : Faut-il nécessairement la rechercher, la dire ? Pourquoi ? Est-elle supérieure
à d'autres finalités ou valeurs (par ex. le bonheur, la liberté) ? Faut-il les sacrifier pour elle ?
Textes et références utiles
- Définitions
Il y a différentes façons de concevoir la vérité et différents types de vérités selon le domaine que l'on considère :
- Vérité-correspondance et vérité-cohérence : La définition la plus traditionnelle et aussi la plus commune de la
vérité la caractérise comme adéquation ou correspondance de l'esprit et de la réalité : un énoncé est vrai si une réalité extérieure lui
correspond effectivement. Parler de vérité, dans ce sens là, c'est postuler que l'esprit ou la raison est capable de
saisir le réel. Une autre définition de la vérité insiste non sur la correspondance entre un discours et une réalité
extérieure, mais sur la cohérence de ce discours lui-même : un énoncé est "vrai", ou plus justement, valide
s'il n'est pas contradictoire avec les autres propositions avec lesquelles il est lié (voir
ce texte de Hume et le chapitre sur
la démonstration).
Cette distinction en recoupent d'autres également : vérités de fait, ou "matérielles" d'un côté et vérités de raison ou
"formelles" de l'autre. Voir également la définition de ces termes dans la fiche sur
la démonstration.
- La définition pragmatiste de la vérité : A la fin du XIXème siècle, parallèlement au développement
des sciences, et notamment de la physique, ainsi que de l'accroissement de travaux d'épistémologie, une nouvelle
conception de ce qu'est la vérité émerge : la conception pragmatique ou conventionnaliste (cf. Poincaré, Duhem,
William James...). Ces auteurs (philosophes et/ou physiciens) avancent l'idée que l'on ne peut dire si nos
théories nous permettent d'atteindre la réalité en-soi, que cette Idée n'est d'ailleurs peut-être qu'une chimère
métaphysique; mais que nous devons considérer comme "vraie", de manière provisoire et approchée, une idée
ou une théorie qui rend compte de manière satisfaisante des phénomènes que nous étudions et qui nous
permet d'agir sur eux; ce que
James appelle une "vision instrumentale de la vérité".
- Toutes les opinions se valent-elles ?
Examiner la question ci-dessus à l'aide des deux textes suivants :
Le relativisme
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La science et l'opinion
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1. Pourquoi l'attitude relativiste peut-elle apparaître comme une attitude positive ?
2. Pourquoi est-elle au contraire, pour l'auteur de ce texte, dangereuse et intenable ? (expliquer les deux points)
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1. Expliquer "dans son besoin d'achèvement comme dans son principe".
2. Expliquer "l'opinion a, en droit, toujours tort". Que signifie ici la formule "en droit" ?
3. Expliquer et illustrer "elle traduit des besoins en connaissances".
4. Quelle devrait être la conséquence pratique de la phrase : "L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement" ?
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Pour aller plus loin : Qu'est-ce que le scepticisme ? |
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- Comment atteindre la vérité ?
- Il faut se détourner du sensible : Platon
Le texte ci-dessus dit Allégorie de la caverne, expose de manière imagée la théorie de
la connaissance de Platon, sa conception de la manière dont nous pouvons accéder (parce qu'il est dans un premier
temps séparé de nous) au vrai : la vérité n'est pas "sous nos yeux". Pour la connaître, il nous faut nous détourner des
apparences ou du monde sensible et convertir en quelque sorte notre regard pour voir "avec les yeux de l'âme"
les vérités intelligibles.
- Il faut douter et être méthodique : Descartes :
- Au début du Discours de la méthode, Descartes remarque d'abord que nous avons commencé notre vie en recevant passivement quantité d'opinions non réfléchies; nous les avons acceptées sans examen préalables, simplement parce que nous n'étions pas en âge d'exercer sur elles un retour critique.
Nous devons donc recourir au doute comme
à un moyen pour nous mettre sur le chemin de la vérité. Mais il ne s'agira pas du doute destructeur des sceptiques : on parlera d'un doute provisoire et méthodique dont le but est de nous amener à trouver une certitude absolue à partir de laquelle on pourra reconstruire, sur des bases solides, tout l'édifice des connaissances.
- Pour parvenir à ce but Descartes fait confiance à la raison : tous les hommes la possèdent et peuvent donc, en droit, progresser vers la vérité (cf. début du Discours de la méthode :
Texte sur le bon sens)...
- ...Mais il n'en reste pas moins que tous les hommes ne "conduisent pas bien" leur raison, c'est-à-dire ne savent pas quelle voie suivre pour bien penser. C'est ce qui explique les erreurs dans lesquelles ils tombent souvent, ainsi que la diversité des opinions.
Il est donc nécessaire de posséder une méthode pour
parvenir au vrai.
- Grâce à la raison ou l'expérience ? C'est le débat qui oppose ces deux philosophies de la connaissance que sont le rationalisme
et l'empirisme :
- cf. Platon, Descartes ou Leibniz pour le premier "camp".
- Locke (voir ce texte) ou Hume par exemple pour le second.
Pour les premiers, la raison seule, sans autre médiation, peut parvenir au vrai. Ils affirment l'existence d'idées innées.
Pour les seconds, au contraire, toute connaissance vient de l'expérience, rien ne se trouve dans l'esprit qui n'ait été d'abord perçu par les sens.
Voir aussi la position de Kant, qu'il a
lui-même pensé et voulu comme réconciliatrice des deux autres : le criticisme. (cf. critique de la raison pure)
- Vérité et dialogue critique :
- L'épistémologie moderne a mis en évidence l'importance de la dimension sociale de la construction du
savoir scientifique. Comme le dit par exemple Karl Popper dans
ce texte,
ce n'est pas parce que "le scientifique" serait plus objectif que le commun des mortels qu'il parvient à établir des vérités
objectives, mais parce qu'il soumet ses recherches, ses hypothèses, ses énoncés, à la critique vigilante
de la communauté constituée par tous ses collègues. Ainsi sont produits des énoncés qui finissent par posséder
cette qualité d'objectivité. Celle-ci est donc le résultat d'un ensemble de procédures de vérifications et
de critiques. Elle est un produit d'une raison que l'on peut appeler dialogique (voir cours sur le langage)
et critique.
- Cette idée est également développée par la sociologie des sciences qui est née au XXe siècle. Elle se subdivise en deux
courants : un courant qui rejoint les idées que nous venons d'exposer à propos de Popper, qui "se contente" de s'intéresser
à la manière dont la vérité est produite collectivement par la communauté scientifique, et qui décrit selon quelles procédures,
quelle organisation de la recherche (institutions, revues etc.) cela se fait; un courant qui développe ce que certains ont appelé
"un programme fort" (sous-entendu de la sociologie des sciences), qui va jusqu'à affirmer qu'il n'y a pas de vérités ou d'objectivité en sciences, que
seul existe à un moment donné un consensus de la communauté scientifique sur ce qu'elle considère comme "vrai" ou "réel". Les représentants de ce courant vont
donc jusqu'à une position relativiste (cf. en France, Bruno Latour).
- Voir également l'argumentation de John Stuart Mill dans De la liberté :
Son propos étant de défendre la liberté d'expression, il développe dans ce livre l'idée selon laquelle la
libre discussion est une condition sine qua non de la découverte de la vérité; soit qu'elle nous
permette de nous défaire de nos fausses opinions, soit qu'elle nous permette de mieux voir la valeur ou
le sens de nos opinions vraies.
- La vérité et le bonheur
La recherche de la vérité est-elle un impératif (moral, anthropologique) ? Doit-on préférer cette finalité à toute autre ? Faut-il
obligatoirement chercher à se connaître, à connaître le monde dans sa réalité ? Faut-il obligatoirement la dire ? Ou l'illusion,
le mensonge, la mauvaise foi sont-ils préférables ?...
Voici un document pour réfléchir à ces questions : Lisez les textes, essayez de répondre aux questions qui les accompagnent, et demandez-vous comment ils
permettent d'examiner la question : "La recherche de la vérité est-elle une condition du bonheur ?" |
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Compléments :
Penser à faire des liens avec d'autres notions, d'autres cours :
- Toute la partie sur "Le sujet" s'interroge par exemple sur la question de savoir si l'on peut parvenir à une forme de connaissance de
soi, donc à une forme de vérité sur nous-même : si oui, comment ? A quelles conditions ? Quels sont les obstacles
qui nous empêchent d'atteindre cette "vérité" (mauvaise foi, inconscient, ignorance des déterminismes...) Autrui ne
détient-il pas aussi une forme de vérité sur nous-même ? Pour la connaître, dans la mesure du possible, ne faut-il pas
"passer par lui" (cf. par ex. Sartre et le pour-autrui) ?
- La question de la valeur de la vérité, du statut du mensonge par exemple, peut être réfléchie dans le
cadre du cours sur la morale ("dialogue" entre la morale déontologique de Kant et la morale conséquentialiste
des utilitaristes comme Mill).
- Pour les L et les ES, penser au cours sur l'histoire : Toute la première partie du cours consacrée à la réflexion
épistémologique sur la discipline histoire et la construction de la connaissance historique porte sur la question de savoir si l'on peut, et comment,
établir des vérités en histoire.
- Le cours sur la démonstration évidemment...
Vocabulaire
Les mots suivis d'un astérisque sont définis dans la partie
Lexique.
Distinguer :
Vérité et réalité : Compte tenu de ce que nous avons vu ci-dessus, "vrai" ou "faux" sont donc des qualités
non pas des choses mais d'un discours ou d'un énoncé : seule une affirmation peut être vraie ou fausse; c'est par abus de
langage que l'on dit d'un objet qu'il est "faux". Un objet est réel ou pas, mais pas vrai ou faux.
Mensonge*/erreur*/illusion* : Dire un mensonge c'est ne pas dire la vérité alors qu'on la connaît, intentionnellement;
commettre une erreur, en revanche, c'est ne pas la dire mais en croyant sincèrement la posséder; être dans l'illusion, c'est
commettre une erreur également mais avec le désir inconscient de se tromper, parce je trouve dans cette erreur un bénéfice.
Par exemple : un professeur qui affirme à ses élèves qu'ils auront tous le bac sans travailler ment; l'élève qui croit cela
commet une erreur (qui lui sera peut-être fatale !...); mais c'est aussi une douce illusion dans laquelle il se complaît,
parce qu'elle lui évite de se remettre en question...
Vérité/sincérité : De ce qui suit il découle qu'il ne faut pas confondre être sincère et dire la vérité : la
sincérité ne qualifie que la bonne foi ou l'honnêteté de celui qui parle; la vérité, quant à elle, comme nous l'avons vu plus haut, signifie
que ce que dit le sujet qui parle est conforme à un état de fait, ou qu'il y a une correspondance entre ce qu'il dit et ce qui est.
Opinion/connaissance - Conviction*/certitude* - Relativisme - Scepticisme* - Rationalisme*/empirisme*
Faites le point !
- Pour contrôler que vous avez bien assimilé tout ça, voici
un petit Quiz !
- Pour un résumé visuel du cours : Voici une carte mentale sur la vérité.
A voir
-
12 hommes en colère de Sidney Lumet (1957).
-
The Truman show de Peter Weir (1998).
-
The Matrix de Larry et Andy Wachowski (1999).
Exemples de sujets
- Peut-on dire : "Chacun sa vérité" ?
- Peut-on dire que toutes les opinions se valent ?
- La vérité est-elle affaire d'opinion ?
- Faut-il préférer le bonheur à la vérité ?
- La raison peut-elle procurer le bonheur ?
- Faut-il s'abstenir de penser pour être heureux ?
- L'ignorance peut-elle faire le bonheur ?
- Le bonheur sans illusion est-il concevable ?
- Faut-il toujours dire la vérité ?
- Pourquoi voulons-nous la vérité plutôt que le mensonge ?
- Faut-il aimer plus que tout la vérité ?
- A quoi sert la vérité ?
- Peut-on ne pas vouloir la vérité ?
- La vérité est-elle contraignante ou libératrice ?
- Toute vérité est-elle démontrable ?
- Ce qui crève les yeux est-il toujours vrai ?
- Douter est-ce renoncer à la vérité ?
- Suffit-il d'être certain pour être dans le vrai ?
- Devons-nous nous méfier de nos certitudes ?
- Une vérité est-elle discutable ?
- Faut-il se méfier de l'évidence ?