L�vinas

Le visage

Je pense plut�t que l�acc�s au visage est d�embl�e �thique. C�est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les d�crire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet. La meilleure mani�re de rencontrer autrui, c�est de ne m�me pas remarquer la couleur de ses yeux ! Quand on observe la couleur des yeux, on n�est pas en relation sociale avec autrui. La relation avec le visage peut certes �tre domin�e par la perception, mais ce qui est sp�cifiquement visage, c�est ce qui ne s�y r�duit pas.

Il y a d�abord la droiture m�me du visage, son expression droite, sans d�fense. La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus d�nu�e. La plus nue, bien que d�une nudit� d�cente. La plus d�nu�e aussi : il y a dans le visage une pauvret� essentielle. La preuve en est qu�on essaie de masquer cette pauvret� en se donnant des poses, une contenance. Le visage est expos�, menac�, comme nous invitant � un acte de violence. En m�me temps le visage est ce qui nous interdit de tuer.

L�vinas, �thique et infini, 1981