Epicure

6. Un idéal de simplicité

C’est un grand bien, à notre sens, de savoir se suffire à soi-même, non pas qu’il faille toujours vivre de peu, mais afin que, si nous ne possédons pas beaucoup, nous sachions nous contenter de peu, bien convaincus que ceux-là jouissent le plus de l’opulence qui ont le moins besoin d’elle. Tout ce qui est naturel est aisé à se procurer mais tout ce qui est vain est difficile à avoir. Les mets simples nous procurent autant de plaisirs qu’une table somptueuse si toute souffrance causée par le besoin est supprimée. Le pain d’orge et l’eau nous causent un plaisir extrême si le besoin de les prendre se fait vraiment sentir.

L’habitude, par conséquent, de vivre d’une manière simple et peu coûteuse offre la meilleure garantie d’une bonne santé; elle permet à l’homme d’accomplir aisément les obligations nécessaires de la vie, le rend capable, quand il se trouve de temps en temps devant une table somptueuse, d’en mieux jouir et le met en état de ne pas craindre les coups du sort. Quand donc nous disons que le plaisir est notre but ultime, nous n’entendons pas par là les plaisirs des débauchés ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle, ainsi que le disent les gens qui ignorent notre doctrine ou qui sont en désaccord avec elle, ou qui l’interprètent dans un mauvais sens. Le plaisir que nous avons en vue est caractérisé par l’absence de souffrances corporelles et de troubles de l’âme. Ce ne sont pas les beuveries et les orgies continuelles, les jouissances des jeunes garçons et des femmes, les poissons et les autres mets qu’offre une table luxueuse, qui engendrent une vie heureuse, mais la raison vigilante qui recherche minutieusement les motifs de ce qu’il faut choisir et de ce qu’il faut éviter et qui rejette les vaines opinions grâce auxquelles le plus grand trouble s’empare des âmes.

Epicure, Lettre à Ménécée,

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