Le Non traduit durablement l’arrachement à la nature par lequel on a longtemps décrit l’humanisme : ne pas se laisser imposer ce qui se prétend obligatoire parce que naturel, immédiat, donné – et au contraire, l’affronter et lui objecter l’artifice, le détour, le construit. Tous les ingrédients sont ici réunis pour décrire le processus d’humanisation dont les animaux ne sont pas capables : dire « non » et signifier par là que nous prétendons être pour quelque chose dans ce que nous devenons, telle est la formule justifiant qu’on ait défini l’humanisme comme « l’anti-destin » – une formule d’où se déduisent les avatars de la liberté : dire « non » pour refuser que les choses soient seulement comme elles sont, dire « non » pour transfigurer la situation dans laquelle nous sommes prisonniers, dire « non » pour nous affirmer capables d’utopie, dire « non » pour afficher le point de vue moral susceptible de contraindre le monde à être conforme à nos idéaux, dire « non » pour éviter d’être réduits au simple fonctionnement métabolique qui caractérise l’organisme vivant… Le pouvoir de la négation révèle l’être de langage en nous et interdit qu’on nous définisse comme des « animaux comme les autres ».