Puisque les fins sont manifestement multiples, et nous choisissons certaines d’entre elles (par exemple la richesse, les flĂ»tes et en gĂ©nĂ©ral les instruments) en vue d’autres choses, il est clair que ce ne sont pas lĂ des fins parfaites, alors que le Bien SuprĂŞme est, de toute Ă©vidence, quelque chose de parfait. Il en rĂ©sulte que s’il y a une seule chose qui soit une fin parfaite, elle sera le bien que nous cherchons, et s’il y en a plusieurs, ce sera la plus parfaite d’entre elles. Or, ce qui est digne d’être poursuivi par soi, nous le nommons plus parfait que ce qui est poursuivi pour une autre chose; et ce qui n’est jamais dĂ©sirable en vue d’une autre chose, nous le dĂ©clarons plus parfait que les choses qui sont dĂ©sirables Ă la fois par elles-mĂŞmes et pour cette autre chose; enfin, nous appelons parfait − au sens absolu − ce qui est toujours dĂ©sirable en soi-mĂŞme et ne l’est jamais en vue d’une autre chose.
Or, le bonheur semble être au suprême degré une fin de ce genre, car nous le choisissons toujours pour lui-même et jamais en vue d’une autre chose; au contraire, l’honneur, le plaisir, l’intelligence ou toute vertu quelconque, sont des biens que nous choisissons sûrement pour eux-mêmes (puisque, même si aucun avantage n’en découlait pour nous, nous les choisirions encore), mais nous les choisissons aussi en vue du bonheur, car c’est par leur intermédiaire que nous pensons devenir heureux. Par contre, le bonheur n’est jamais choisi en vue de ces biens, ni d’une manière générale en vue d’autre chose que lui-même.