Si quelqu'un pense, après une réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de lui-même, une connaissance différente, il me faut l'avouer, je ne peux raisonner plus longtemps avec lui. (...) Peut-être peut-il percevoir quelque chose de simple et de continu qu'il appelle lui : et pourtant je suis sûr qu'il n'y a pas en moi de pareil principe.
Mais, si je laisse de côté quelques métaphysiciens de ce genre, je peux m'aventurer à affirmer du reste des hommes qu'ils ne sont rien qu'un faisceau ou une collection de perceptions différentes qui se succèdent les unes aux autres avec une rapidité inconcevable et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuels. (...) L'esprit est une sorte de théâtre où diverses perceptions font successivement leur apparition ; elles passent, repassent, glissent sans arrêt et se mêlent en une infinie variété de conditions et de situations.
Il n'y a proprement en lui ni simplicité à un moment, ni identité dans les différents moments, quelque tendance naturelle que nous puissions avoir à imaginer cette simplicité et cette identité. La comparaison du théâtre ne doit pas nous égarer. Ce sont les seules perceptions successives qui constituent l'esprit ; nous n'avons pas la connaissance la plus lointaine du lieu où se représentent ces scènes ou des matériaux dont il serait constitué.