Le sociologue trouve des armes contre les déterminismes sociaux dans la science qui les porte à la conscience. Ceux qui déplorent le pessimisme désenchanteur ou les effets démobilisateurs de l'analyse sociologique lorsqu'elle formule par exemple les lois de la reproduction sociale sont à peu près aussi fondés à le faire que ceux qui reprocheraient à Galilée d'avoir découragé le rêve de vol en construisant la loi de la chute des corps. Énoncer une loi sociale - comme celle qui établit que le capital culturel va au capital culturel - c'est offrir la possibilité d'introduire parmi les circonstances propres à contribuer à l'effet qu'elle prévoit - dans ce cas particulier, l'élimination scolaire des enfants les plus dépourvus de capital culturel - les « éléments modificateurs », comme disait Auguste Comte, qui, si faibles soient-ils, peuvent suffire à transformer dans le sens de nos souhaits le résultat des mécanismes. La connaissance des mécanismes permet, ici comme ailleurs, de déterminer les conditions et les moyens d'une action destinée à les maîtriser.
Les mouvements d'émancipation sont là pour prouver qu'une certaine prise de conscience peut contribuer à créer les conditions politiques d'un changement social.
Mais surtout, la connaissance exerce par soi un effet - qui me paraît libérateur - toutes les fois que les mécanismes dont elle établit les lois de fonctionnement doivent une part de leur efficacité à la méconnaissance, c'est-à -dire toutes les fois qu’elle touche à la violence symbolique. Il s’agit d’une contrainte qui ne s’institue que par l’intermédiaire de l’adhésion que le dominé ne peut manquer d’accorder au dominant (donc à la domination) lorsqu’il ne dispose, pour penser sa relation avec lui, que d’instruments qui font apparaitre cette relation comme naturelle.