Les exemples qui précèdent illustrent en quoi la théorie précède l'observation dans la science. Les observations et les expériences sont faites pour tester ou pour faire la lumière sur une théorie, et seules les observations qui s'y rapportent sont dignes d'être notées. Cependant, pour autant que les théories qui constituent notre savoir scientifique sont faillibles et incomplètes, la façon dont elles nous guident pour savoir quelles observations sont pertinentes par rapport au phénomène étudié peut être source d'erreurs et nous conduire à ne pas prendre en compte certains facteurs essentiels. L'expérience citée de Hertz en est un bel exemple. L'un des facteurs que j'ai écarté comme nettement "hors sujet" était en fait au cœur même du sujet. La théorie testée avait pour conséquence que la vitesse des ondes radio doit être identique à celle de la lumière. Or, quand Hertz mesura la vitesse de ses ondes radio, il trouva à plusieurs reprises qu'elle différait de celle de la lumière. Il ne parvint jamais à résoudre cette énigme, dont la cause ne fut comprise qu'après sa mort. Les ondes radio émises par son appareil se réfléchissaient sur les murs de son laboratoire, revenaient vers son appareil et interféraient avec ses mesures. Les dimensions du laboratoire étaient bel et bien un facteur essentiel. Les théories faillibles et incomplètes qui constituent la connaissance scientifique peuvent ainsi orienter l'observateur sur une fausse piste. Mais ce problème peut être résolu en améliorant et en étendant nos théories et non en accumulant une liste infinie d'observations sans but.