Qui sait si vivre n’est pas mourir, Et si mourir n’est pas vivre ?
Et il est possible que rĂ©ellement nous soyons morts, comme je l’ai entendu dire Ă un savant homme, qui prĂ©tendait que notre vie actuelle est une mort, que notre corps est un tombeau et que cette partie de l’âme oĂą rĂ©sident les passions est de nature Ă changer de sentiment et Ă passer d’une extrĂ©mitĂ© Ă l’autre. Cette mĂŞme partie de l’âme, un spirituel auteur de mythes, un Sicilien, je crois, ou un Italien, jouant sur les mots, l’a appelĂ©e tonneau, Ă cause de sa docilitĂ© et de sa crĂ©dulitĂ©; il a appelĂ© de mĂŞme les insensĂ©s non initiĂ©s et cette partie de leur âme oĂą sont les passions, partie dĂ©rĂ©glĂ©e, incapable de rien garder, il l’a assimilĂ©e Ă un tonneau percĂ©, Ă cause de sa nature insatiable. Au rebours de toi, Calliclès, cet homme nous montre que, parmi les habitants de l’Hadès — il dĂ©signe ainsi l’invisible — les plus malheureux sont ces non‑initiĂ©s, et qu’ils portent de l’eau dans des tonneaux percĂ©s avec un crible trouĂ© de mĂŞme. Par ce crible il entend l’âme, Ă ce que me disait celui qui me rapportait ces choses, et il assimilait Ă un crible l’âme des insensĂ©s, parce qu’elle est percĂ©e de trous, et parce qu’infidèle et oublieuse, elle laisse tout Ă©couler.
Cette allégorie a quelque chose d’assez bizarre, mais elle illustre bien ce que je veux te faire comprendre pour te persuader, si j’en suis capable, de changer d’idée et de préférer à une existence inassouvie et sans frein une vie réglée, contente et satisfaite de ce que chaque jour lui apporte.