Dagognet (François)

Technique et liberté

Cessons de condamner les nouvelles techniques médicales sous le faux prétexte qu'elles risquent de nous conduire à je ne sais quelle apocalypse ! Il y a là beaucoup de confusion et de fausses terreurs. Il y a surtout une grave méprise concernant la relation entre ces techniques et la liberté. On croit qu'elles ôtent à l'homme des libertés. C'est exactement l'inverse : elles lui en donnent de nouvelles. Prenons l'exemple du diagnostic prénatal. Il me paraît absolument normal que ceux qui attendent un enfant puissent savoir si cet enfant est atteint ou non d'une maladie héréditaire comme la trisomie. Connaître avec exactitude la situation du foetus est en effet l'élément essentiel dont les parents ont besoin pour prendre leur décision. Cet information laisse entière leur liberté. Chacun doit pouvoir refuser un avortement thérapeutique, et choisir, en toute connaissance de cause, de mettre au monde un enfant handicapé. (...) Les techniques médicales n'ont ni l'intention ni les moyens de tout commander. Elles ne décideront jamais à votre place. Mais elles mettent clairement chacun face à ses choix. C'est en ce sens qu'elles accroissent nos libertés, au lieu de les restreindre, comme on le croit par erreur. Ce qui est condamnable, ce ne sont pas les techniques et les informations qu'elles fournissent, c'est le refus d'informer ! Je condamne pour ma part l'idée qu'on puisse refuser d'avertir des parents de la naissance d'un futur enfant trisomique, ou des fiancés de la séropositivité de l'un ou de l'autre. Nous ne devons rien écarter de ce qui nous rend libre d'accepter ou de refuser en toute connaissance de cause. Vouloir mettre à l'écart ce genre d'information est signe d'obscurantisme. Cela revient en effet à vouloir soumettre les humains aux hasards aveugles de la vie. C'est tenter de les maintenir asservis à des mécanismes que la connaissance permet, si on le veut, de contrôler. Voilà qui est intolérable à mes yeux. Car plier l'homme à la nature est la pire des aliénations.
Dagognet (François), entretien au Monde, novembre 1993

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