Le problème du complotisme, n'est pas à situer dans l' excès d'une pensée suspicieuse, mais dans sa simulation . Il n'y a pas, chez le complotiste, de pensée hypercritique, mais plutôt une critique fantôme, un simulacre de critique. Le concept de « pseudorationnalité », suivant l'analyse qu'en donne le philosophe Adrian Piper 25 , semble très approprié pour comprendre en quoi consiste le complotisme, et permet d'écarter l'idée répandue que les complotistes seraient en fait sur la bonne voie, si seulement ils se donnaient la peine de mieux calibrer la nature et l'objet de leur suspicion. La pseudorationnalité, dit Piper, est une ressource mentale permettant de réduire nos sentiments de contradiction et de morcellement internes, c'est - à - dire le fait que le moi est en permanence confronté à des perceptions et des informations qui prennent sa structure en défaut et menacent son intégrité. Le concept englobe ainsi un certain nombre de mécanismes psychiques comme le déni, la rationalisation, le mensonge à soi - même et la dissociation, qui ont pour point commun de permettre de sauvegarder l'apparence d'un moi solide et unitaire. La mauvaise foi, de fait, est rarement conçue comme telle par celui qui en fait preuve : on préfère rendre compte de nos contradictions en nous persuadant que nous avons de bonnes raisons de les minimiser ou de les ignorer, et que nous disposons d'explications satisfaisantes pour les rendre parfaitement cohérentes.